mardi 7 décembre 2010

Le Petit Prince à l'heure des mangas

Le premier épisode de la nouvelle série d'animation télévisée mettant en scène le Petit Prince, intitulé La Planète du temps, sera diffusé fin décembre sur France 3 et bientôt dans 80 pays.


À Noël, un dessin animé diffusé à la télévision racontera la suite des aventures du Petit Prince. Le merveilleux héros inventé par Saint-Exupéry est-il devenu un vulgaire produit dérivé?



Il fallait s'y attendre, le Petit Prince s'est tiré d'affaire. Le héros du livre de Saint-Exupéry est de retour. Non pas sous les traits du gamin gracile esquissé par l'aviateur mais sous ceux d'un solide gaillard croqué façon manga prêt à affronter le ¬prime time sur tous les écrans plats qui s'illumineront à Noël. Le premier épisode de la nouvelle série d'animation télévisée mettant en scène le Petit Prince sera en effet diffusé fin décembre sur France 3 et bientôt dans 80 pays. Un événement si on le rapporte à son budget, colossal pour un dessin animé télévisé (soit 18,6millions d'euros), mais aussi parce qu'il ne va pas manquer de faire bondir les inconditionnels de l'œuvre de Saint-Ex. Car La Planète du temps, comme se nomme le premier épisode, n'a rien à voir avec l'histoire au dessin épuré imaginée par l'écrivain. Du punch, des batailles, des monstres: à notre époque, un héros ne doit pas être contemplatif mais actif. Ce néo-Petit Prince poursuit donc de nouvelles aventures en dégainant son épée, flanqué d'un renard bavard comme l'âne de Shrek.

Ainsi libéré du carcan de l'histoire, on peut déjà rêver et tout imaginer pour son avenir. Le Petit Prince devient adolescent, le Petit Prince troque son costume vert contre un slim de chez Gap, le Petit Prince a une copine, le Petit Prince fume sa première cigarette… Stop! Il n'en est pas là, mais il a tout de même bien changé. La technologie 3D, qui façonne systématiquement des héros aux yeux démesurément agrandis et à la coiffure gélifiée comme un dessert anglais, n'est évidemment pas étrangère à cette étonnante métamorphose. Au-delà du look, c'est bien tout l'univers d'Antoine de Saint-Exupéry qui passe à la centrifugeuse de la modernité. Et fait sursauter les puristes de l'œuvre.

Avec ce nouveau projet, les héritiers de l'écrivain, disparu en 1944, ont franchi un pas. Jusqu'à présent, la Succession Saint-Exupéry-d'Agay, qui réunit les quatre neveux et nièces de l'aviateur et leurs descendants, avait opposé son veto à des projets de suite à l'histoire imaginée par leur parent. «On ne touche pas à un héros mythique»: tel était le credo de la famille, qui veille sur l'œuvre littéraire. Cet esprit de famille ne les a pas empêchés de développer parallèlement une sacrée culture d'entreprise. Le Petit Prince, dont le nom est déposé à l'Institut national de la propriété industrielle comme tous les titres des ouvrages de Saint-Ex, mais aussi la célèbre réplique «Dessine-moi un mouton» font la fortune des neveux et petits-neveux.

Et l'on assiste ainsi à la lente émancipation du personnage créé par Saint-Exupéry. Car, au royaume du merveilleux, les plus grands héros échappent souvent à leurs créateurs, à l'instar du Pinocchio de Collodi, récupéré par Disney, ou de l'Alice de Lewis Carroll, relookée par Tim Burton. Époque oblige, ils seront bien sûr confrontés à leurs avatars sous forme de licences multiples. Le Petit Prince a grandi. Bienvenue au XXIe siècle…

Source: Le Figaro.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire